Cela fait déjà bien longtemps que j'étais titillé par l'envie d'évoluer, de passer à autre chose ou du moins, à continuer autrement. Blitztoire est né dans ma tête en juin puis s'est concrétisé en juillet 2004, après avoir découvert le genre du "blog" au travers des bédéblogs. A l'époque, ils était peu nombreux: maintenant, n'importe quel gamin prépubère qui a un "bon" coup de crayon lance son bdblog, cherchant lui aussi sa part de gloire et rêvant de boire le coup avec Boulet ou Melaka… C'est bien normal et il ne faut gâcher les rêves de personne, surtout s'ils peuvent se réaliser, qui sait ?
J'ai sauté sur 20six, même si j'ai de suite créé un premier compte chez blogger puis chez splinder1: je pensais déjà à évoluer sur une autre plateforme, je n'ai cependant jamais utilisé ces comptes. Puis je me suis incrusté sur 20six. Le titre, Blitztoire, a été trouvé en quelques heures -au contraire de Médiévizmes. J'ai pris un template plus ou moins correct et je n'en ai plus changé. Mes premières notes voulaient décrire ma vie au quotidien, joies et peines, sur un ton très libre et avec un style plutôt très relâché, voire familier. Je voyais ces pages comme un journal presque intime et je me lâchais assez fort. Je n'ai supprimé aucune note (sauf une seule où je me suis rendu compte après l'avoir postée que je faisais acte de médisance gratuite: une faute de déontologie que j'ai corrigée immédiatement ; j'ai supprimé aussi deux autres notes, ces derniers mois, qui parlaient trop de mes déboires personnels). Mais j'ai parfois caviardé les premières,par la suite: pas le style mais les allusions personnelles et tout ce qui pouvait m'identifier trop facilement. Il faut avouer que je croyais naïvement que mon anonymat était en béton et que mes collègues ne me retrouveraient jamais sous ces hardes virtuelles. Tsss… ce sont des historiens eux aussi: fouiner et débusquer est notre métier. Je suis identifiable. Cinq ou six personnes m'ont identifié depuis la création de ce blog, tandis que trois ou quatre autres proches sont au courant de son existence parce que je la leur ai révélé. J'imagine bien que d'autres personnes, des collègues historiens notamment, m'ont identifié sans me le dire. Je pense aussi que d'autres connaissent Blitztoire mais se demandent toujours qui est le type derrière ces lignes: la chose m'amuse beaucoup, surtout quand je suis assis à côté d'eux lors de réunions d'administration scientifique.
Ce blog a donc évolué lentement, les notes sont devenues plus polémiques, plus structurées, plus construites: certaines ont pris des jours, comme celle sur "le négationnisme" qui a attiré une nuée de trolls noirs. Jusque là je parlais de mon métier d'historien, j'en suis venu à parler d'Histoire. Mais pas pour y raconter de petites histoires faciles qui me permettraient d'accroître le lectorat: pas question de me lancer dans la légende noire de Gilles de Rais, les mystères des Templiers ou les déboires sentimentaux d'Henri VIII. Ce genre d'histoires n'est pas de l'Histoire, c'est du matériau pour pisse-copie en mal d'audience. J'ai ouvert mes recherches sur le blog. Pas de manière complètement évidente, par petits pans, par petits coups de pinceau, mais quand même. Grâce à cela, j'ai eu le plaisir de rencontrer l'un ou l'autre collègue inconnu qui, à coup de requête Google, était tombé chez moi et avait noué le contact. Davantage d'Histoire, de prises de position aussi: Blitztoire m'a permis de tenir des positions qui auraient été jugées inacceptables dans le sérail compassé des médiévistes. Prises de position politiques, sociales, scientifiques. Blitztoire m'a permis aussi d'accroître ma veille sur l'approche du web par les historiens: j'ai pu écrire et construire lentement des opinions qui, rideo referens, ont évolué considérablement -sur Wikipedia et la "validation a posteriori" par exemple.
J'ai construit davantage mon style: il est devenu plus audacieux, gothique flamboyant ou baroque comme je puis l'être parfois, toujours avec démesure et passion. Le blog est devenu mon laboratoire d'écriture: j'y travaille ma façon d'écrire l'histoire, testant les expressions, osant les hyperboles ou les chants lyriques. Et maintenant, dans mes publications scientifiques (voire mes rapports administratifs!)…vous retrouverez ce style, dont j'use avec de plus en plus de liberté. Le blog m'a déniaisé de ce point de vue, je n'ai plus peur d'écrire avec une plume de fer ou de feu.
Très vite je me suis retrouvé prisonnier de 20six, à l'étroit dans le template, coincé par les limites d'espace (peu d'image à cause de cela), avec un fonctionnement parfois erratique, des statistiques perpétuellement en rade… Des amis de blog puis de travail et de vie tout simplement m'ont proposé le passage sur Lodel: ce CMS spécialement adapté pour les revues en ligne, mais qui par sa polyvalence et sa puissance, est capable de gérer n'importe quel projet d'édition électronique. Lodel est un instrument libre et ouvert, gratuit, conçu par et pour les sciences de l'homme et de la société en France: il était devenu évident à mes yeux que je me devais à Lodel puisque Lodel s'offrait à moi. Il fallut du temps -un surcroît de travail durant le premier semestre 2005, un coup de mou de blog en même temps que quelques soucis personnels- pour que je saute le pas, que je me lance. Un nouveau blog, qui suit Blitztoire, le remplace et le complète.
Médiévizmes. Le titre a été longuement muri: il plaît ou ne plaît pas, tant pis, il me parle en tout cas. Il dit les choses mieux que Blitztoire, dont la racine "Blitz", l'éclair, pouvait attirer (et a attiré) des déviants bellophiles. Ce sont mes réflexions de médiévistes, celles de "Zid", donc j'ai remplacé un "s" par un "z" pour bien marquer ce sont les miennes. Au pluriel car mes passions de médiéviste sont plurielles. Médiévizmes, comme "tropismes".
Médiévizmes: la structure du contenu blog reste, au départ, la même que dans 20six. Peut-être évoluera-t-elle ? Médiévizmes, sur une plateforme personnelle et personnalisée grâce à Got et Manue, c'est mon espace, il m'est propre et j'assume chacun des mots qui y seront écrits: ils seront couverts par le droit d'auteur, avec une licence "Creative Commons". Je m'y exprimerai avec la même liberté, plus encore peut-être, parce qu'un historien doit s'engager. Sous le couvert commode mais illusoire du pseudonyme: il n'est pas encore temps de faire mon coming out. C'est aussi un jeu que ce pseudo-anonymat, pourquoi pas ? Médiévizmes est aussi un récit, que l'on doit suivre depuis le début, depuis les premiers pas de Blitztoire que je laisse accessible avec les commentaires. C'est un long cheminement intellectuel. Il n'y a pas de pari, rien à gagner, la gloire ne m'intéresse pas: seule l'action me motive. Agir pour avancer et construire, se construire.
Chers compagnons de route, chers nouveaux lecteurs, pour un jour ou un mois ou un an ou davantage encore, vous tous qui me connaissez plus ou moins, j'écris pour vous avant tout: pas de pseudo-onanisme littéraire. Loin d'être le reposoir des ronds-de-cuir du savoir aplati, l'Histoire telle que je veux la pratiquer est et doit rester une discipline de combat. Un de mes maîtres m'avait écrit, dans un email déjà ancien, que, historiens pour l'action, nous étions comme ces nettoyeurs de tranchées de la guerre 14-18 (souvenez-vous, "Capitaine Conan"), corps francs d’éclaireurs sanglants qui, s'aventurant dans les premières lignes, en vidaient les boyaux au corps à corps. La comparaison, pour être forte, n'en est pas moins vraie: aux historiens qui sont prêts à se risquer dans l'action (car il y a des risques, le sérail n'est pas tendre avec les têtes brûlées), il appartient de s'avancer au travers des réseaux de barbelés, descendant dans les plus obscures cagnas, y luttant sans merci avec nos pires ennemis: les idées toutes faites, les conventions et les convenances intellectuelles, les dossiers historiques épineux, les sacs de noeuds d'archives, un passé ravivé pour être parfois massacré à nouveau (zombie!) sous les mains de nos prédécesseurs voire de nos contemporains. L'Histoire se fait le couteau entre les dents.
Médiévizmes donc.
Notes
Un hébergeur de blogs italien