Rome. Me revoilà dans la ville éternelle, enfin… Mon pèlerinage annuel, en colloque cette fois-ci. Toujours ce bienheureux refuge que constitue l’Ecole Française. L’urbs ne change pas, les odeurs et les couleurs restent les mêmes. C’est même un peu terrifiant : même si on change, soi-même, la ville, elle, reste immuable, écrasante et vivante à la fois, mais elle ne fait aucune concession à nos profondes ou superficielles mutations personnelles. Elle est toujours aussi belle et je m’y sens toujours aussi bien, comme si elle m’enveloppait de ses lumières, de ses musiques et de ses senteurs…
Et puis il y a le Tibre : petit, sale, il est sauvage et indiscipliné, on l’a confiné dans une profonde cuvette sombre où il se rue contre les parois, chuintant et crachant. Rien à voir avec la triste Seine si profonde et si plate, si pataude et si civilisée entre les quais de Paris, beaucoup trop civilisée… Rien à voir avec la large Loire, mi sauvage mi domestiquée, couchée dans son lit avec langueur voir lasciveté, grasseyante et paresseuse. Rien à voir avec la Meuse toute excitée et toute industrieuse, froide et coupée au cordeau, toute taillée pour porter les bateaux…Le Tibre est jaune ou marron ou brun, il charrie mille saletés, il écume sans arrêt (en hiver du moins ; en été, ce n’est plus qu’un orgueilleux pisselet perdu entre d’énormes murs de pierre). Je crois que je l’aime bien parce qu’il n’a dû guère changer depuis le Moyen Âge. L’impression de revoir une vieille connaissance…