Le goût du sang

Il n’y a pas de mauvaise lecture ! Lors d’un de mes retours en terre natale, il y a quelques semaines, je suis tombé sur un article d’un journal hebdomadaire agricole, le Sillon belge (début avril 2006),  intitulé : Eviter le cannibalisme au clapier. « Le cannibalisme au clapier peut prendre différentes formes : les mères mangent leurs jeunes à la naissance ou dans les jours qui suivent, les mâles tentent de se castrer, les jeunes d’une même nichée se mangent la queue et les oreilles », lit-on d’entrée. Les raisons sont multiples : troubles comportementaux d’origine sexuelle, conditions d’élevage et stress, insuffisances alimentaires, lignées d’animaux nerveux ou trop craintifs… Le plus saisissant reste la dernière cause : « […]le cannibalisme peut être d’origine accidentel. Ainsi, la lapine peut blesser accidentellement un lapereau en enlevant l’enveloppe du nouveau-né. Les cris du jeune et le goût du sang peuvent alors engendrer le massacre. S’il n’y a pas de causes héréditaires, le phénomène ne devrait pas se reproduire par la suite ». Cela peut sembler anodin, et pourtant…

Les cris, le goût du sang peuvent donc engendrer le massacre… J’ose transposer : de l’animal à l’homme, le chemin est bien court, les liens évidemment étroits. Dans les études sur les grands massacres, les génocides ou les meurtres sanglants qui parsèment le cours de l’histoire humaine, on a trop souvent oublié le poids de cette « animalité », ce déclic qui fait passer du docteur Jekyll au Mr Hide. Difficilement estimable, difficilement analysable, et pourtant bien réel : pour expliquer les actes des génocidaires, se retrancher derrière l’obéissance aux ordres ou la peur de se démarquer du groupe ne suffit pas… Le goût du sang pourrait-il donc faire basculer n’importe qui dans la folie meurtrière ?