La découverte du codex

Une vidéo qui circule chez les médiévistes qui tripotent les manuscrits: … de quoi se décoincer les zygomatiques

(merci à H.C., papyrologue distinguée)

PS 2: j’ai retrouvé un lien (la première vidéo trouvée sur Youtube avait été retirée) et ça marche à nouveau. Je republie donc la note au jour d’aujourd’hui…

Got au colloque (soir 1 et jour 2)

Une journée de colloque ne se termine pas au lever de séance: si le colloque est bien tenu et si les participants sont de qualité, il y a une troisième mi-temps, qui dure souvent aussi longtemps qu'à la buvette du football. Avec parfois des résultats similaires d'ailleurs.

C'est le moment de la « socialisation », le stress des communications retombé, l'assemblée se détend et des groupes se forment, plus ou moins grands: soit les membres se connaissent déjà, soit ils font connaissance, souvent les deux vont de pair. C'est le temps du repas « façon banquet d'Astérix » qui renforce la cohésion du groupe, comme diraient les sociologues. Ici, Got se retrouve, dans une brasserie munichoise, avec de bons amis, connus ou moins connus.

Ambiance chaleureuse, litres de dunkles Bier, Got se sent bien et il le montre.

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Ah oui, il se sent bien, Got! Désinhibé (mais est-il jamais inhibé?), il se replonge dans l'évangélisation de la tablée: XML rules, l'ontologie vaincra!

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Au coeur d'une nuit déjà bien avancée, on se décide à rentrer. C'est que demain, il y a encore une matinée de travail… La taille de l'addition montre que nous avons contribué au bien être économique de la brasserie munichoise.

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Il n'y a pas que la taille de l'addition qui prouve que nous avons honoré la production houblonneuse bavaroise.

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Le retour à l'hôtel est… comment dire… un peu flou?

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Mais on aurait tort de croire que les médiévistes ne sont pas des êtres supérieurs. Le lendemain matin, aux premières lueurs de l'aube (enfin, presque), tous se retrouvent pour une vraie table ronde internationale multilingue avec traduction simultanée et tout et tout. Et en grande forme!

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Et le plus en forme était peut-être l'Obi Wan Kenobi de la Tei !

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Longue vie et que la Force soit avec lui!

Wikipedia: à la recherche de l'équilibre

Wikipedia, encore. Il n'y a pas si longtemps, j'animais une petite séance de travail et d'enseignement autour de l'usage d'internet dans les travaux d'étudiants: Wikipedia revint sur le tapis, avec toujours ce mot d'ordre des enseignants: n'utilisez pas Wikipedia, c'est mauvais… et évidemment, élémentaire règle de critique historique, comme en corollaire, puisque ce mot d'ordre revient constamment dans la bouche des professeurs, d'où qu'ils soient, on en déduit que tous les étudiants l'utilisent. Personne parmi les lecteurs de ce billet, ayant jamais pioché dans l'Internet, ne peut soutenir qu'au hasard de Google, il ne soit jamais tombé sur des notices de Wikipedia, sciemment ou non. C'est le paradoxe de Wikipedia: tout le monde s'en défie et tout le monde l'utilise.

Même Pierre Assouline se répand en commentaires acerbes sur Wikipedia dans la revue de vulgarisation historique "L'Histoire"1 comme sur son blog: Wikipedia n'est pas fiable, Wikipedia c'est l'illusion du savoir constitué par tous, Wikipedia peut être manipulé et même quand une notice a été corrigée par un spécialiste compétent qui y a sué sang et eau, elle peut être dépiautée, massacrée par n'importe quel adolescent ânonnant qui se sent capable de refaire le monde. Ce n'est hélas pas totalement faux et vu comme cela, on ne peut donner tort aux enseignants qui interdisent l'utilisation de Wikipedia à leurs étudiants.

Ce genre de discours, depuis que je réfléchis au problème Wikipedia, je l'ai déjà lu et entendu (voire moi-même écrit!) des dizaines de fois, accompagné de la réponse traditionnelle dans les commentaires: « si ça ne vous convient pas, corrigez-le vous-même ». Il faut dépasser toutes ces positions primaires et cadenassées par l'idéologie: la réalité sociologique a de bien loin laissé derrière ces belles envolées.

En effet, le pli est pris: ces tentatives pour interdire la consultation de Wikipedia restent peine perdue ; la recherche d'informations sur le web dépasse définitivement toute autre forme d'investigation (comme première démarche de recherche): le mouvement ne s'arrêtera pas. Wikipedia reste pour des années encore (combien? une, deux, cinq, dix…? mystère…) le locus essentiel où aller puiser des bribes de savoir. Certes, une fois le sujet dégrossi par une recherche sur le web, le chercheur « qui sait » consultera les autres mediums de savoir, les autres publications plus spécialisées sur le web et bien évidemment les publications sur papier. N'empêche, le geste « Google » est devenu presque universel et dans les réponses « Google », je mets au défi quiconque de m'assurer qu'il ne considère pas les items Wikipedia avec une attention plus particulière, fût-ce simplement parce qu'il y est accoutumé d'une façon ou d'une autre.

Ainsi, malgré tous les hululements apeurés et les appels puérils au boycott sauvage, Wikipedia a encore de beaux jours devant elle. Mieux encore: ce système d'annotation collaborative peut donner lieu à de vraies petites merveilles, pourvu qu'il soit coordonné, géré, qu'il fasse l'objet d'une surveillance "positive" (pour reprendre un mot déjà bien galvaudé). Car bien des realia peuvent être décrits, mis en article de Wikipedia par des personnes qui n'auraient jamais été sollicitées par des entreprises de dictionnaire alors qu'elles maîtrisent les dossiers mieux que quiconque: sur le sport, sur les bandes dessinées, sur les technologies de l'information, sur les mangas, sur la littérature de gare, sur la politique… bien des passionnés ont des choses à dire. Évidemment, sur des realia plus techniques ou scientifiques, les spécialistes ont davantage voix au chapitre. Quant aux débordements politiques et aux manipulations, il faut évidemment être prudents mais en même temps on ne peut que les laisser s'exprimer, tout en les tempérant s'ils deviennent insidieux, s'ils tentent de faire prendre des vessies pour des lanternes.

Ma position part du principe que les extrêmes s'annihilent et que la vérité sort du chaos, qu'au final, les notices trouveront un point d'équilibre scientifique, après dix, vingt, cent, mille remaniements. Le problème le plus important tient au temps qu'il faut pour que ces notices trouvent leur point d'équilibre: plusieurs semaines, plusieurs mois, plusieurs années, davantage encore pour des sujets difficiles… ? Or, l'« encyclopédie » doit être utilisable immédiatement comme telle, même fragile, afin de susciter des collaborations et de lui donner un poids éditorial. Il faudrait donc hâter le moment où survient le point d'équilibre, il faut forcer l'équilibre de manière artificielle, en faisant intervenir des "veilleurs critiques" qui reprennent en main les notices qui bougent très vite, dont le contenu fluctue trop brutalement et de manière déséquilibrée, disproportionnée, en raison de dissensions ou de divergences de jugement. A ces "veilleurs", il faudrait donner le rôle de rééquilibrer, de figer certains éléments des notices -sans rejeter de futures propositions de changement. Le collaboratif associé à l'efficacité scientifique. Seules les notices « chaudes » (c'est-à-dire relevant du pathos ou du sentiment public ou privé, « interpelant » le lecteur, sont soumises à ces remaniements intempestifs, ces ruptures d'équilibre et nécessiteraient la main du veilleur. Reste le problème essentiel des notices « froides » voire « gelées »: des articles secondaires, rédigés une fois pour toutes et ayant fait l'objet de peu voire pas de remaniements, concernant des realia qui ne remuent pas les foules: ces notices peuvent être rédigées par des personnes pas toujours compétentes même si passionnées, elles ne sont donc pas nécessairement très satisfaisantes. Bien des articles de ce genre existent -et là, il faut espérer des spécialistes aussi passionnés mais plus compétents pour s'occuper de leur refonte, sans trop craindre de les voir remaniées de fond en comble par la suite. Pour obtenir cet appui, seule la valorisation de l' « encyclopédie » permettra d'attirer ces nouveaux contributeurs jusqu'à présent effrayés, ceux qui lisent trop Assouline et qui, comme bien des scientifiques, disent leur effroi de mille façons…

Notes

1L'Histoire, n° 318, mars 2007.

Got au colloque (jour 1)

Puisque Got, collègue, partenaire de travail et ami, décide de quitter la recherche pour s'enrichir outrageusement sous d'autres cieux (enfin, façon de parler, c'est toujours le ciel de Paname), j'ai décidé de lui rendre l'hommage qu'il convient en présentant au public ébaubi une version photographique de « Got au colloque ». Certes, les images ne sont pas terribles, je les ai honteusement dérobées à coup de téléphone portable, mais ça marche quand même pas mal ces petites choses-là. Encore des « blagues privées » maugréeront ceux qui considèrent que le blog est un sous-genre indigne des vrais chercheurs! En même temps, j'ai grand plaisir à montrer que les colloques de chercheurs en sciences de l'homme et de la société ne sont pas des assemblées sinistres de vieux birbes, qu'on peut et qu'on sait s'y amuser, tout en faisant des choses très sérieuses. Je ne pense pas qu'il y ait de mal à rester de grands enfants.

Un colloque, avant tout, ce sont des communications, des conférences au degré de complexité variable, parfois un peu effrayantes, parfois soporifiques, parfois stimulantes.

Dans cette communication-ci, il s'agissait de passer au crible statistique des chartes dans des cartulaires. Fascinant. Je n'ai malheureusement rien compris à cette dia-ci: j'en ai donc gardé une trace, afin de méditer dessus quand je sens mes chevilles qui enflent.

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Heureusement Got a terminé la journée en fanfare…

Echauffement, un peu de trac avant de brûler les planches…

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Une petite blague pour dérider l'auditoire… Tout le brio du prédicateur « IT Engineer ».

Savoir jouer avec les mains, pour rassurer: « faites-moi confiance, faites-moi confiance… »!

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Après la communication, les questions de l'auditoire… les colles!

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« Ah mais je n'ai pas voulu dire ça… faites-moi confiance! »…

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(à suivre)

Yvan Delporte

Yvan Delporte est mort: c'est encore un peu de mon enfance qui s'envole, avec ce monsieur que je n'ai jamais rencontré sinon dans le mythe dessiné longuement construit autour de lui. Rédacteur en chef de Spirou, scénariste, touche-à-tout génial, j'avais l'impression de le connaître. Depuis mes premières lectures du journal de Spirou, dans les années ''70, il surgissait sans arrêt dans les beaux albums de M. Dupuis, faisant naître le rêve, si doux pour un enfant, d'un monde de la bande dessinée où auteurs et personnages vivaient les mêmes aventures.

Munich

Retour de Munich, où j'ai participé à un congrès. Munich, une ville déconcertante au premier abord, froide et carrée, tracée au cordeau: les rues y sont larges, les maisons tellement quelconques malgré leurs crépis colorés. La seconde guerre est passée par là, il y a toujours comme une gêne qui plane, même si c'est moins fort qu'à Berlin. Puis la ville se laisse apprivoiser, les malaises se dissipent, les brasseries deviennent plaisantes et les librairies attirantes (quant aux musées, ce sera pour une autre fois hélas)…

Avec quelques amis, nous avons visité les Monumenta Germaniae Historica: le temple de l'érudition germanique. Les MGH, c'est une institution pluriséculaire, née à l'époque de l'unification allemande et aux temps du pangermanisme, afin de soutenir le nationalisme par la mise en lumières des monuments littéraires à la gloire de l'empire allemand, depuis les débuts de l'écrit par les allemands eux-mêmes: toutes les chroniques, tous les textes hagiographiques, tous les textes diplomatiques y ont été rassemblés, édités, publiés, qu'ils émanent des allemands ou traitent de l'empire allemand au sens large. Sanctus amor patriae dat animum, dit leur devise. Le pangermanisme a disparu mais le travail s'est poursuivi, plus scientifique et plus érudit que jamais ; c'est à Munich que les chercheurs des Monumenta continuent à produire des éditions de textes anciens avec cette rigueur germanique si fascinante, si admirable (et aussi si effrayante, parfois) pour les latins que nous sommes. Cette terrible rigueur, on la sent dès l'entrée dans les locaux, une sorte de fanum en un long couloir bordé des photographies des grands érudits des MGH, les Levison, les Pertz, les Bischoff, les Schramm… Des regards sombres, noirs, sérieux: je sens bien qu'ils me reprochent de ne pas me pencher assez sur les manuscrits.