Réformer!

Deux mille neuf, janvier déjà évanoui, premières lignes de février. Le désir d'écriture se conjoint aux urgences du métier. Ces deux derniers mois ont été lourds, chargés de travail ininterrompu. Des lectures roboratives aussi, qui ont nourri des réflexions critiques. J'ai trois ouvrages en chantier, et notamment un dont vous avez déjà appris le projet si vous êtes un vieux lecteur de ce blog: celui sur la critique du web, qui devient un essai sur la critique historique de l'information, notamment électronique. Plusieurs circonstances, de Fréjus à Rome, m'ont poussé à reprendre le projet.

Les urgences du métier, c'est aussi la crise que traverse actuellement les mondes ouverts des chercheurs et des enseignants-chercheurs. J'écris ici: voilà ma façon à moi de protester contre cette réforme que tout le monde universitaire rejette (je ne connais pas un seul universitaire de sciences humaines qui ne m'en ait pas dit du bien -ce qui n'est même pas arrivé à l'époque de la LRU!). Il faut bien une réforme, certes, mais aussi brutale, sans aucun respect pour les procédures déjà existantes, sans se demander quelles en seront les retombées, c'est « suicider » l'université.

Le corps enseignant et la communauté des chercheurs a bien réagi: la manifestation d'aujourd'hui, à Paris, illustre bien leur détermination: il faut rediscuter ce décret. J'avoue éprouver des regrets, j'aurais dû en être mais voilà, ça n'a pas été le cas.

Alors ce blog manifeste à sa façon -une voix de résistance de plus, qui s'était déjà exprimée pour lutter pour le CNRS il y a quelques années.

Je ne vais pas faire de longue démonstration ici pour montrer qu'on veut être évalué -mais bien-, pour démontrer que la recherche française ne se porte pas si mal, pour prouver que l'université deviendra un agrégat de pôles d'excellence quand on la refinancera vraiment et quand « on » y croira réellement, pour soutenir le CAPES et l'Agrégation, deux concours qui m'ont émerveillé quand je suis arrivé en France.. D'autres sur le web le font bien mieux.

Je préfère insister sur le point essentiel de la confrontation: l'incompréhension de notre métier lui-même. Depuis bien longtemps, les universitaires et les chercheurs, notamment en sciences humaines, sont considérés par beaucoup comme des inutiles, des parasites, des assistés. Les voilà, les intellos qui « ne produisent pas », qui ont encore plus de vacances que dans le secondaire, qui ne font que ce qu'ils veulent, qui ont -rendez-vous compte! Horresco referens !- la stabilité de l'emploi… Il y a, depuis quelques décennies, une vague de fond de mépris pour nos professions d'intellectuels. D'ici à ce qu'on nous demande de partir travailler aux  champs dans les coopératives agricoles, comme au bon vieux temps du camarade Mao, il n'y a qu'un pas.

Mais qu'ils se lamentent, les pragmatiques obsédés par la rentabilité immédiate, il y aura toujours des intellectuels qui leur planteront l'aiguillon là où ça fait mal. Aucune réforme politique marquante, dans aucun pays du monde, ne s'est jamais construite sans un renouveau intellectuel fort -ou alors, ce n'est pas une vraie réforme politique, mais un feu de paille, un miroir aux alouettes. Cette tentative de réforme-ci n'illustre pas un renouveau intellectuel.

Plus que jamais, il faudrait que j'écrive mon métier, notre métier: que je l'explique pour le faire mieux comprendre.