Entrer dans Rome

Rome, jour 1. Je m'étais promis de bloguer Rome -je l'ai déjà fait bien des fois, la dernière c'était brièvement il y a un an et demi sur Framasphere (tiens, je devrais y retourner). Je suis arrivé hier, par un vol du dimanche, tout en douceur, dans un début d'après-midi tiède, doux même. L'entrée dans Rome, c'est comme une procession. On commence avec le train qui contourne d'abord la ville avant d'y rentrer en profondeur. On fait les chapelles. Les chapelles, ce sont les faubourgs de la ville. Mais cette procession n'a rien du chemin de croix gris et dépenaillé du RER B qui amène ses passagers de Roissy au centre de Paris, se frayant un passage parmi les sarcophages de béton et de briques creuses des cités de banlieue. Non, à Rome, c'est autrement. Ce sont les couleurs et la joie baroques qui donnent le ton. Des îlots de verdure toujours éclairés de soleil, des palissades de fougères ou de roseaux géants jaunes et secs, des maisons-favelas assez sereines, des squelettes d'usines abandonnées, des sablières en activité, des casses de voiture prospères avec les pièces bien rangées comme à la parade pour qu'elles soient admirées (je l'espère en tout cas) par les passagers du Leonardo Express. On passe sous le Grande Raccordo Anulare, le GRA, le périphérique romain. Puis des blocs d'appartements, à l'âge indéfinissable -entre Mussolini et les années 70, peut-être plus récents ?. Des linges qui sêchent sur les toits, des balcons en ferraille rouillée sur des murs d'ocre ou de jaune ou de rouge passés. Je me dis que j'aimerais descendre là. Pas besoin du centre historique et de ces touristes blasés. C'est ici qu'il faudrait descendre.

L'envie n'est pas venue seule. J'ai lu il y a peu Sacro Romano GRA, dans sa traduction française toute neuve : un livre qui raconte fort bien le documentaire éponyme, celui-là même qui a obtenu le lion d'or à la Mostra de Venise en 2013. Il raconte Rome hors de Rome : la vie de Rome dans ses faubourgs. Un extraordinaire objet sociologique et poétique.

Et aussi le rappel d'une évidence qui doit résonner comme un mantra pour les historiens : ce n'est pas tant l'espace que l'on doit étudier que ses pourtours et ses contours. Zones de marge, zones franches, no man's land, fossés, terrains vagues, dépotoirs, cimetières, zones d'abandon et de rejet, zones niées.

Rome me fait toujours autant d'effet.