« Translations in translation » – histoires de reliques

L’histoire, ça arrive souvent près de chez vous. Il y a quelques jours, un événement bien médiéval s’est déroulé dans la bonne ville de Liège –cité dite ardente, célèbre pour son tapis d’églises, siège d’une des grandes principautés épiscopales à la limite entre les terres d’Empire et celles du royaume de France. L’évêque, Jean-Pierre Delville, y a organisé une translation de reliques ! Les restes de la bienheureuse Mère Marie-Thérèse Haze, fondatrice d’une congrégation religieuse, les Filles de la Croix, en plein XIXe s. (elle est morte en 1876), béatifiée en 1991 –ses restes ont été transférés de la maison-mère de l’ordre, en rue Hors-Château à Liège, à la Cathédrale de la cité ce 29 avril.

Une translation de reliques, c’est un transfert de restes de saint d’un endroit à un autre : dès la fin de l’Antiquité et surtout au long du Moyen Âge et la période moderne, ces pratiques seront très fréquentes : elles sont liées à des actions de dévotion ou de politique religieuse, afin de dynamiser un lieu de culte en y installant un nouveau saint à vénérer, afin de renforcer la « force sacrée » (et donc la réputation) d’une cité ou d’une abbaye en y déplaçant un corps saint. La plupart des grands saints de la chrétienté ont fait l’objet de translations. On se souvient notamment de la translation des restes du célèbre saint Nicolas, évêque de Myre, celui-là qui est censé apporter des cadeaux aux enfants sages : ses restes, conservés à Myre (dans l’actuelle Turquie) ont été « pieusement » dérobés par un commando de marins de Bari, en 1087, peut-être pour les soustraire à l’avancée des Turcs seldjoukides, mais sûrement aussi pour renforcer le patrimoine sacré de leur bonne ville de Bari.

Depuis Vatican II, le culte des reliques a décru en Europe. Il y a bien régulièrement des ouvertures de reliquaires, pour des raisons de culte combinées avec des raisons patrimoniales le plus souvent –ainsi en Belgique, l’ostension des reliques de la collégiale de Soignies, en 1999, à laquelle participa, es qualité de spécialiste des authentiques de reliques, votre serviteur. Les reliquaires sont ouverts et étudiés par des historiens de l’art, les restes des saints le sont par des historiens, les étiquettes qui les nomment (les authentiques) par des spécialistes de l’écrit…

Mais des translations, point. C’est donc ici quelque chose d’assez original, à plusieurs titres. Il ne faudrait pas y voir une résurgence d’un comportement traditionnaliste catholique. La personnalité de l’évêque de Liège doit, à coup sûr, expliquer beaucoup : Jean-Pierre Delville est un… universitaire, professeur d’histoire médiévale, et connaît donc fort bien cette dynamique médiévale. Il s’explique très clairement et fort pertinemment sur cette action de dynamisation religieuse : les reliques de Marie-Thérèse Haze vont rejoindre celles de saint Lambert, le grand patron de la ville, à la cathédrale. « « La ville n’existerait pas si le corps de saint Lambert n’avait pas été translaté vers la cathédrale », remarquait il y a quelques jours Mgr Jean-Pierre Delville, évêque de Liège, « la cathédrale va donc accueillir deux saints, dont une femme » », lit-on dans le même article. Le retour des reliques, donc!

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