Ecrire comme si ce soir était le dernier

L’émiettement de mon écriture se confond avec l’éparpillement de ma vie. De monolithes graphiques et de blocs de souffle, tout est devenu poussières. Les micrographies de twitter, les rapports et les dossiers, les projets de recherche, tout n’est plus que pensées époumonées, crachotantes, languissantes -et la vie de chercheur ou de professeur n’est plus rien d’autre qu’une litanie d’actes ou de mots, des grains de chapelets. Le monde des textes disparait-il au profit d’un petit monde de hoquets de mots et d’idées ? Je ne pense pas, malgré tout, il en reste encore beaucoup qui ne font pas que du vent ou du politique à deux sous mais qui tissent leur propre tapisserie. Mais combien sont attirés par les lumières de la comptabilité de l’immédiat qu’est l’écriture sur les réseaux sociaux, et notamment twitter, avec ses accumulations de suffrages que sont les « likes » et les « RT »? J’y suis aussi, j’y succombe souvent.

J’y reste car j’y vois une sorte de frémissement du monde, un bouillonnement de marmite, une casserole écaillée écumante de bulles de bave pesteuses le plus souvent, avec de temps à autre des coulures lumineuses et inédites, des éclaboussures géniales.  Je tente de ne pas me laisser marquer par les éclats buboniques, c’est difficile: twitter est si sentencieux, si moralisateur.  Je suppose que je jactais de la sorte sur mon blog il y a treize ans.  Souvent, outré, je voudrais réagir là, tout de suite, mais je me dis que non, ce n’est pas si simple, je me retiens. Parfois, j’aimerais encore jouer les moralisateurs, mais j’ose moins. La sagesse ou l’émiettement de ma propre pensée?

Pourtant, malgré mes belles déclarations, je publie mille fois davantage sur twitter qu’ici. J’écris trop peu de longs textes. Il y a des raisons pour cela, je reviendrai plus tard sur celles-ci. Le goût de l’écriture, je l’ai souvent à la bouche, elle me manque, c’est une saveur unique qui ne se goûte qu’une fois le plat composé. Je rédige ces phrases avec cet espoir: y trouver du plaisir, donner du plaisir. Mes tweets ne me goûtent pas, c’est une sauce qui refroidit trop vite et qui se fige, ils ne sentent plus rien. Mes phrases, elles, si j’y ai mis ce grain de folie qui me caractérise (il y aurait matière à parler de cette folie nécessaire, j’y reviendrai aussi plus tard), me plaisent, elles sont encore fumantes et odorantes bien longtemps après. Je ne sais pas si ça plait à tout le monde. Bien des amis s’en moquent, mais je sais aussi que d’autres y trouvent un certain plaisir.  Fin d’une note de blog écrite juste pour le plaisir d’écrire et de cliquer sur la commande « publier ».